De Lukala à Matadi

Le 29, j’ai quitté Lukala. Les au revoir se sont fait la gorge serrée.  La semaine suivante, nous étions Magalie, Manon et moi à Matadi pour terminer ensemble l’année 2012 et commencer ensemble cette nouvelle année... À la fin de cette semaine où nous avons découvert le noviciat à Vunda et le barrage d’Inga, nous avons chacune regagné nos communautés.

Après cette première semaine, je prends gentiment mes marques dans ma nouvelle communauté à Matadi. Je me familiarise à ce nouvel environnement bien différent du dernier. Durant ces quelques jours, j’ai rencontré beaucoup de nouveaux paroissiens ou amis des Sœurs. Résultat, cinq nouvelles tenues africaines… J’ai découvert également un de mes nouveaux lieux de travail. Tous les matins, je me rends au centre d’entraide pour les personnes souffrant d’un handicap physique. De 7h30 à 12h, j’enseigne avec un autre professeur dans la classe pour les enfants avec un retard. Puis de 12h à 13h30, je me rends au secteur motricité où je fais la causette et donne un petit coup de main plus morale que physique aux patients et aux physiothérapeutes. La semaine prochaine, je vais encore prendre contact avec d’autres personnes pour peaufiner ce programme.

À ce nouveau tournant de mon séjour, beaucoup d’expériences ont déjà été vécues. Cette première partie du voyage, m’a permis de découvrir par exemple, les réalités médicales de la région. Pour moi, cet aspect a été surprenant, car ce n’est pas un point que je pensais approfondir et autant m’y intéresser. Je ressors grandie de cette découverte. J’ai appris à accueillir les malades et faire une première orientation selon le cas. Puis à déceler les maladies tropicales et sexuellement transmissibles dans le sang. J’ai beaucoup aimé travailler au laboratoire, préparer les échantillons, manier les éprouvettes, le microscope, utiliser les différents réactifs, d’abord entre les mains expertes et l’œil attentif du laborantin puis seule.

Cependant, ces heures passées au centre m’ont confrontée à des réalités plus dures comme le VIH et la mort. J’ai pu rencontrer des malades atteints du Sida avec leur problème à se fournir le traitement. J’ai côtoyé plusieurs fois la mort. Encore maintenant, je suis étonnée de mes réactions. Il est impressionnant comme l’environnement nous change, et ici en l’occurrence m’a rendue plus forte. Je suis persuadée qu’en Suisse, je n’aurais pas été capable d’assister à ces évènements. Une des réalités que j’ai découvert que j’ai du mal à accepter et me fais beaucoup réfléchir est le taux de natalité ainsi que l’âge des mamans. J’ai rencontré beaucoup de jeunes femmes, car la partie la plus développée du centre est la maternité. Où selon moi devrais-je dire des adolescentes, de 16 ans qui sont enceintes pour la première fois ou de 18 ans qui ont déjà eu un ou deux enfants. À une contemporaine à qui son corps dit stop après sa quatrième grossesse en cinq ans…  

Avec l’internat que tiennent les sœurs, j’ai rencontré des jeunes filles merveilleuses avec des sourires et des bras accueillants malgré leur quotidien surchargé et les problèmes familiaux ou d’argent qu’elles ont. C’est le cas de Bénédicte, mais également de nombreuses adolescentes. En discutant et partageant des moments d’amitié ensemble, elle m’a ouvert les yeux sur la chance que j’ai d’avoir une famille au complet, qui me soutient. De pouvoir étudier, me construire un avenir sans me préoccuper de comment je vais payer les frais d’écolage. Sans hésiter, j’ai essayé de faire que certains de ses soucis puissent disparaître pour laisser un peu plus de place aux rêves que nous faisons nous les jeunes européennes et à l’espoir.

Plus généralement, j’ai pu m’apercevoir que même si la société en Suisse dans laquelle nous évoluons est bien différente de celle-ci, des points se rejoignent. Lors d’un cours de psychologie que je donnais, nous avons échangé sur la norme. Chez nous on peut dire que pour beaucoup d’éléments nous sommes dans la norme, mais qu’en est-il ici ?  Ces deux mois m’ont permis de vraiment vivre la différence, ce qui a été enrichissant. Le fait de pouvoir en discuter avec des jeunes et des moins jeunes a été intéressant. J’ai pu voir l’évolution des mentalités. J’ai beaucoup aimé entendre la vision des jeunes sur leur avenir, sur le pays, ainsi que leur regard sur ce que devrait être ma vie et mes conditions en Europe. Ces échanges ont été souvent animés et ponctués de rires.  Nous arrivons à comprendre l’autre, mais cela reste difficile quelquefois de saisir toutes les composantes, car malgré tout, nos réalités resteront différentes. Mais ne ditons pas que sans différence, il n’y aurait pas de richesse et d’échange.